Giacomo Leopardi une haie et l’infini, voilà bien une énigme ! L’infini est une des poésies les plus connues de Giacomo Leopardi (1798-1837). Tous les élèves italiens la connaissent par cœur. En fait, cette poésie écrite en 1819, va ouvrir la modernité en changeant notre façon de comprendre ce qui nous entoure.
Giacomo Leopardi une haie et l’infini
Une haie dans le fond d’un jardin bloque le regard. Mais ce qui aurait dû nous arrêter, va nous emmener dans « des espaces sans fin, …. comme l’humain en nous n’en connaît pas ». Mais même si nous ne connaissons pas d’emblée cet infini, même si l’angoisse n’est pas très loin, la paix et la tranquillité d’esprit l’emportent. Et nous redescendons sur terre. Il y a un mouvement de l’infini à notre monde et vice versa.
L’infini dont nous parle Leopardi n’est pas celui d’un au-delà inaccessible, il est là devant nous, bien ancré dans notre monde. Et notre monde revient aussitôt avec sa rumeur et ses bruits. Il n’y a pas d’au-delà qui soit promesse de paradis ; il y a la nature qui nous entoure et il y a nous, qui sommes humains et pouvons voir ce qu’il y a derrière cette haie.
Et l’infini laisse la place à un naufrage qui n’est que douceur et peut être aussi un peu sérénité. Et Leopardi aime cette haie et cet infini ; il nous les montre dans une poésie en hendécasyllabes, vers de onze pieds qui est à la poésie italienne ce que l’alexandrin est à la poésie française. Et pour bien souligner certains mots importants, il utilise largement l’enjambement qui coupe une phrase qui déborde sur deux vers. Effet réussi !
Voilà la traduction qu’en propose Yves Bonnefoy. C’est celle qui montre le mieux, en utilisant le langage d’aujourd’hui, ce qu’a voulu nous montrer G. Leopardi.
Toujours chère me fut cette colline
Solitaire, et chère cette haie
Qui refuse au regard tant de l’ultime
Horizon de ce monde. Mais je m’assieds,
Je laisse aller mes yeux, je façonne, en esprit,
Des espaces sans fin au-delà d’elle,
Des silences aussi, comme l’humain en nous
N’en connaît pas, et c’est une quiétude
On ne peut plus profonde : un de ces instants
Où peu s’en faut que le cÅ“ur ne s’effraie
Et comme alors j’entends
Le vent bruire dans ces feuillages, je compare
Ce silence infini à cette voix,
Et me revient l’éternel en mémoire
Et les saisons défuntes, et celle-ci
Qui est vivante, en sa rumeur. Immensité
En laquelle s’abîme ma pensée.
Naufrage, mais qui m’est doux dans cette mer.
Yves Bonnefoy, Keats et Leopardi, quelques traductions nouvelles,
Mercure de France, 2000, p. 43.
En version originale
L’infinito
Sempre caro mi fu quest’ermo colle,
e questa siepe, che da tanta parte,
dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminati
spazi di là da quella, e sovrumani
silenzi, e profondissima quiete
io nel pensiero mi fingo ; ove per poco
il cor non si spaura. E come il vento
oco stormir tra queste piante, io quello
infinito silenzio a questa voce
vo comparando : e mi sovvien l’eterno,
et la morte stagioni, e le presente
e viva, e il suon di lei. Cosà tra questa
immensità s’annega il pensier mio :
e il naufragar m’è dolce in questo mare.
Canti XII
La maison natale de G Leopardi à Recanati
Giacomo Leopardi
Giacomo Leopardi est né en 1798 dans les Marches, en Italie centrale et est mort en 1837 à Naples. Poète du dix neuvième siècle comme Victor Hugo, il a eu du mal à trouver sa place tant dans sa famille que dans la société. Il est mort jeune, suite à une tuberculose osseuse qui l’avait rendu infirme. Souvent qualifié de pessimiste, il a erré pendant longtemps dans toute l’Italie avant de s’éteindre aux pieds du Vésuve.
« Il giovane favoloso », film sorti en 2014, retrace sa vie, sa maladie, son travail de poète mais aussi de philosophe et essayiste, avec une étonnante performance de Elio Germano qui l’incarne.
Parmi ses poèmes les plus connus, il y a « A Silvia » et « Le genêt ou la fleur du désert ». Ce dernier poème est une véritable déclaration philosophique. Le « Zibaldone », magistrale œuvre en prose de 2398 pages, est un monument de cet esprit génial, une sorte d’autobiographie dans lequel il notait ses réflexions, ses critiques vis à vis d’autres poètes ou philosophes, ou simplement le cours d’une de ses journées.
Bibliographie :
Zibaldone
novembre 2003 – prix: 50,60 €
format : 150 x 220 mm 
2398 pages
ISBN: 2-84485-131-2
liens
- Site en italien dédié à Leopardi
- Canti en V.O.
- Maison natale avec sa bibliothèque
- Parcours pour visiter les endroits où Leopardi a vécu