Colbert-Christophe Colomb : même combat ?
Qu’est ce qui relie Colbert, ministre de la France sous Louis XIV et Christophe Colomb, italien sponsorisé par des espagnols, « découvreur » de l’Amérique en 1492. Il avait débarqué aux Bahamas, mais c’est à partir de là que les européens se sont installés sur le nouveau continent. Colbert lui, a réorganisé l’administration française et a laissé un nom fameux dans l’histoire de France.
Colbert-Christophe Colomb : même combat… pour et contre
Oui, mais voilà ces deux personnages historiques sont contestés d’un côté et de l’autre de l’Atlantique. Et pour les mêmes raisons : ils ont favorisé la colonisation pour Christophe Colomb et l’esclavage pour Colbert. Ils serait donc coupables, l’un et l’autre de crimes contre l’humanité. Colbert a écrit à la fin de sa vie un code noir à la demande de Louis XIV et Christophe Colomb est accusé du génocide des amérindiens. Le code noir reconnaissait l’esclavage et la conquête de l’ouest américain s’est faite aux dépends des amérindiens.
La mort d’une militante anti fasciste au détours d’une manifestation à Charlottesville aux Etats-Unis a révélé au monde entier les tensions entre ceux qui veulent déboulonner les statues du général Lee, qui a combattu pour l’esclavage, et les suprématistes blancs, les néo nazis et le Klu Klux Klan qui ne veulent pas en entendre parler.
Le débat visant à débaptiser écoles, rues ou bâtiments publics s’est rapidement étendu et à New York, c’est Christophe Colomb qui est mis en cause. Sa statue est perchée en haut d’un mat de 21 mètres au centre de Colombus Circle, une des plus fameuses places de la ville. Et le Colombus Day lui est consacré : c’est un jour férié, une fête nationale, pour célébrer l’italien venu d’Europe à la découverte d’un nouveau continent.
Les italo-américains ont aussitôt pris la défense de leur illustre concitoyen auquel ils sont très attachés. Ceci d’autant plus que le maire de New York Bill de Blasio, italo américain lui aussi et très fier de ses origines, a inscrit le découvreur de l’Amérique dans la liste des personnages historiques qui posent problème et dont les statues pourraient être abattues.
Une commission ad hoc a été nommée et doit rendre ses conclusions prochainement.
Le Colombus Day en question
Le jour du Colombus Day, le 9 octobre, Bill de Blasio a présidé les cérémonies dans une ambiance un peu tendue mais finalement, à part quelques sifflets traduisant la mauvaise humeur des italo américains, la parade s’est déroulée sans problème. Mais l’affaire est loin d’être close.
Los Angeles a annulé le Colombus Day, neuf villes américaines ont décidé d’instituer un Indegenous People’s Day à la place et la statue du navigateur génois a été recouverte de peinture rouge à Détroit.
Angelino Alfano, le ministre des affaires étrangères en Italie, s’en est mêlé : au cours d’un bref séjour à New York, il est venu, avec les précautions diplomatiques nécessaires, défendre Christophe Colomb en le qualifiant « d’homme courageux dont les italiens sont fiers ». Et l’Italy America Chamber of Commerce de New York a mis en place un comité « Bas les pattes de Christophe Colomb ».
Colbert-Christophe Colomb : même combat en France
En France, le débat est resté plus feutré. Le CRAN (conseil représentatif des associations noires de France) a demandé que soient débaptisés tous les bâtiments publics, les rues ou places portant le nom de Colbert. Les historiens et les philosophes ont expliqué qu’il était difficile de juger l’histoire des siècles derniers avec les critères d’aujourd’hui et que si l’esclavage est une pratique condamnable et ce, sans discussion possible, il n’en demeure pas moins que ni Colbert ni Christophe Colomb ne peuvent être tenus à eux seuls pour responsables de cette pratique abominable. L’un comme l’autre ont été des hommes talentueux.
Colbert restera donc aux frontons des lycées et on peut espérer que Christophe Colomb continue à dominer Colombus Circle. Il y a surement mieux à faire que de juger nos grands hommes : trouver des solutions aux problèmes des migrants d’aujourd’hui serait certainement plus constructif que de réécrire l’histoire.