François Cavanna est mort



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François Cavanna
© Virginiev

 

Au XIXe siècle, de nombreux italiens ont immigré en France, fuyant le fascisme ou la misère. Ils se sont loués pour les travaux les plus pénibles, les plus périlleux, les plus ingrats. Ils faisaient peur.
Après des décennies de dur labeur, certains sont rentrés en Italie, mais d’autres non. D’autres sont restés sur leur terre d’accueil dont ils n’ont pas retenu les vexations et les violences qu’ils ont subies, mais les portes qu’on leur ouvrait.
Certains mêmes se sont mariés avec des français.
Tel est le cas de Luigi, venu d’Emilie-Romagne et de Marguerite, habitante de la Nièvre.
Le couple eut des enfants, dont l’un, né le 22 février 1923, vient de mourir, le 29 janvier 2014. Il s’appelait François, François Cavanna.
Ce fils d’immigré italien va suivre des études chahutées. Il va se passionner pour la lecture au point d’écrire lui-même. Il participera à l’aventure du journal Hari-Kiri. Son premier roman a succès, Les Ritals, paru en 1978, retrace son parcours dans les rues de Nogent-sur-Marne, ses petites bêtises, son père, la vie d’un enfant turbulent mais passionné, le tout, non sans humour.
François Cavanna ne cessera plus d’écrire… ni de dessiner.

On lui doit entre autres, Les Russkofs ou son dernier récit Lune de miel.
Et voilà comment, de fils d’immigré mal accueilli, il devint l’un des intellectuels du pays hôte. Un formidable parcours.
François Cavanna, c’est le talent de l’écriture, lisez ses livres ! et un coeur italien immense qui apporta beaucoup à l’envergure intellectuelle de la France.

Puisse sa vie nous apprendre à ouvrir nos portes.

Extraits de Les Ritals :

«  »Papa, pourquoi ils se suivent pas, les numéros ? »
Papa m’a regardé, il a craché un long jus de chique par la fenêtre, du coin de la bouche –pour ça aussi, je l’admire beaucoup – et il a dit :
« Ma, qué nouméros ?
– Les numéros sur le mètre. Là il y a 60, et juste après il y a 25, et juste après 145
– Ma qu’est-ce qué t’as bisoin les nouméros ? Tou régardes combien qu’il y a les branches, et basta, va bene. Quatre branches, ça veut dire quatre-vingt. Ecco. Pour les pétites centimètres toutes pétites qui sont en plus, tout comptes avec le doigt, à peut près, quoi, voyons, faut pas perdre le temps à des conneries, qué le plâtre, lui tout sais, le plâtre, il attend pas, lui? »
 »

« Le dimanche, quand elle arrivait à le harponner, maman disait à papa : « Prends donc le petit et emmène-le respirer le bon air. Et fais-le marcher, surtout. La marche à pied, c’est ça qui développe les poumons ! »

Papa grognait bougonnait, vexé de s’être fait coincer avant d’avoir pu se faufiler, mais déjà maman m’avait boutonné mon manteau, mis un mouchoir propre dans la poche avec de l’eau de Cologne dessus, et moi, bien entortillé dans mon cache-nez, je tendais la main.

Papa serre ma main dans sa grosse main épaisse dure pleine de crevasses et de chatterton d’électricien autour des doigts. Il a toujours des tas de petites blessures qu’il entoure de chatterton, « Ma qué, sparadrap ! »

 

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